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MADAME MUSIQUE
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28 août 2007

Rabindranath Tagore, poète Bengali

l_offrande_lyrique_tagorePendant ma petite semaine de repos, j'ai lu plusieurs bouquins simultanément. J'aime bien faire çà. Mais le recueil "L'offrande lyrique" de Tagore, ça c'est un livre de chevet, que j'ai emprunté tant de fois que j'ai fini par l'acheter. Son oeuvre a profondément influencé la littérature et la musique du Bengale au début du XXème siècle. Cette oeuvre est la plus connue, préfacée par André Gide.

Tagore (1861-1941) est poète, écrivain mais aussi compositeur et philosophe. Il est né à Calcutta (Bengale occidental) dans une famille d'artistes et de réformateurs sociaux et religieux qui se sont opposés au système de castes et ont essayé de contribuer à l'amélioration de la condition de la femme indienne. En cela ils rejoignent les Bâuls, dont je vous parlerai après - un peu de patience ;-) Et donc, il a étudié d'abord à Calcutta. A 14 ans il demande à quitter l'école et  étudie seul ou avec un précepteur la lutte, la musique et le dessin. A 12 ans, son père l'a emmené au centre de méditation de Santiniketan, où il a reçu des leçons de Sanscrit, d'astronomie et étudié les Ecritures mais dans la religion réformée prônée par son père. Puis à l'âge de 17 ans, il part étudier en Angleterre dont il  revient assez rapidement. Il sera membre du mouvement nationaliste en 1906.

Cependant il s'intéresse aussi à l'éducation et à la pédagogie (il a rénové l'université Vishbabharati à Santiniketan qui signifie "le havre de paix"). Je cite: "Il n'est pas indispensable que les enfants comprennent toutes choses dans les moindres détails, ce dont ils ont besoin, c'est de l'éveil de l'esprit". Et aussi: « primordial est le contact avec la nature. A bas les murs de la classe ! A Santineketan, chaque maître choisit son arbre et les jeunes qui veulent l’entendre se groupent autour de lui. Point de manuels qui ne donnent qu’une illusion insipide du savoir. Ils forment un écran entre l’enfant et la véritable connaissance. Tagore prône donc l’expérience directe et la plongée dans les textes fondamentaux : ‘l’enfant ne s’intéresse pas à ce qui est parfaitement clair et simple – il lui faut un brin de mystère, il est friand du complexe, de l’inaccessible ; il est capable d’énormes efforts pour le saisir’. Le maître lui-même doit se garder d’avancer des connaissances ; l’enfant doit partir à la découverte ou être demandeur […] ‘l’erreur consiste à juger les garçons avec le critère des adultes et d’oublier que l’enfant est vif et mobile comme un torrent […] ‘Une règle importante que nous sommes disposés à oublier, c’est qu’un maître ne peut jamais enseigner véritablement s’il ne continue lui-même à apprendre. Une lampe n’allumera jamais une autre lampe si elle ne garde pas sa propre flamme"

BaulsAu Bengale les Bâuls ont beaucoup influencé Tagore. En hindî, on les appelle bardaï, mot probablement de la même origine que notre barde. Ils ignorent le système de caste, les rituels de toutes sortes. Leur croyance est un syncrétisme indo-musulman-bouddhiste-tantrique. Ils refusent les séparations entre hindous et musulmans, entre hommes et femmes. Ils vénèrent la Divinité qui se trouve dans le coeur de chacun, pour eux le temple ou la mosquée sont des obstacles sur la route de Dieu. Dans le chant et la musique Baul se reflètent les modes des ragas indiens et ceux du souffisme qawwali ou de la poésie du Rajasthan. Les chansons Bâuls sont principalement enracinées dans un terreau philosophique. Ils sont avant tout des Yogis. Les chansons traitent de ce que l'on cherche, de ce que ,l'on peut donner et prendre. La plupart de leur chansons sont comme des leçons philosophiques. La musique Bâul n'a pas les règles de la musique classique de l'Inde, elle est libre. Le Bâul chante ce qu'il y a à l'intérieur de lui et ce qui l'entoure. Ce sont des gens de voyage qui vont de ville en ville, de village en village comme des troubadours.  Méditants et pèlerins, anarchistes au coeur illuminé, ils égrènent une spiritualité à travers des chants invitant à l'ivresse mystique. Ils proclament: "Nous n'adorons aucun dieu, nous n'appartenons à aucune caste, nous n'acceptons pas de faire partie d'un système qui pousse les êtres à se battre entre eux. Notre culte est celui de l'être humain. Nous n'avons pas besoin de divinité, de mosquée, d'église ou de tout autre lieu de culte. Nous prions l'être humain et souhaitons ainsi le rendre heureux, lui apporter la joie intérieure". C'est pas choupette, çà?

Les chansons bâuls sont habituellement exécutées par un soliste, rejoint souvent au refrain par les musiciens accompagnateurs et l'audience. Les instruments traditionnels des bâuls sont : • le khamak : un mélange de tambour à friction et de lyre, comportant une ou deux cordes, jouées avec un plectre et qui engendre une grande diversité de sonorités rythmiques et tonales, • le mridanga ou mridangam : un tambour en tonneau traditionnel du sud de l'Inde qui se joue aux deux extrémités dont on fait varier la tonalité en exerçant une pression sur les cordes qui tendent les peaux, • l'ektara : un luth primitif • les mandira ou kartal : paire de petites cymbales • l'harmonium à soufflet

Pour en savoir plus sur les Bâuls         

Sandhay chante et joue du khamak

Binod (autre chanson Bâul)

Ce mouvement a influencé Tagore, sa poésie, sa musique et sa pensée, certaines de ses chansons sont considérées comme des oeuvres Bâuls et dans la plupart de ses pièces, on trouve un personnage Bâul. La poésie Bengali est destinée à être psalmodiée, voire chantée. L'une des mélodies de Tagore, "Jana Gana Mana" a été choisie pour hymne national de l'Inde indépendante. Tagore a obtenu le prix Nobel de Littérature en 1913.

L’ensemble des chants composés par Tagore est intitulé Rabindrasangeet . Ses chansons concernent la race humaine toute entière et reflètent ses influences occidentales. Il se différencie par sa capacité à mettre en musique ce qu’il voit dans la nature ou dans la vie quotidienne.

Les mille chants composés par Tagore peuvent être classés en 6 catégories : Puja (spirituel), Prem (amour), Prakriti (nature), Swadesh (patriotique), Bâul (errants), Anusthanik (rituel) et Bitchitra (variété). Il a également écrit des chants pour le théâtre. La plupart des chants Puja sont basés sur un style musical très ancien appelé Dhrupad. Les paroles et la musique y sont d’une très grande profondeur spirituelle. Rabindranath TAGORE croyait en la présence de Dieu dans le cœur de chaque être humain. Un Dieu qu’il considérait parfois comme un maître (prabher), ou bien comme un père (pita), voire comme un ami (sokha). La sincérité du poète transparaît lorsqu’il écrit : « Tu es mon maître, mon amour et ma richesse. Tu es l’ami qui chemine à mes côtés tout au long de ma vie... » « Tu es mon ami, mon maître, tu m’appartiens. Tu fais mon bonheur nuit et jour. Tu es la paix et le nectar de ma vie. »

Le poète a traversé de nombreuses épreuves durant les 80 années de son existence. Il a perdu 21 membres de sa famille, ce qui lui causa une peine immense. Pour autant, sa foi ne vacilla jamais. Il demanda à Dieu : « Quel plaisir trouves-tu à rendre mon existence si misérable ? Tu m’as volé tout ce que je possédais. Mais tu m’as également accordé ta grâce et ton amour lorsque je suis venu à toi. » Tagore était un poète positif ! Les 395 chansons contenues dans la catégorie « Prem » (amour) parlent d’un amour profond, l’union parfaite de l’amour divin et de l’amour quotidien. « Amie, grave avec soin mon nom dans un coin secret de ton cœur. Danse sur le rythme des chants de mon cœur ». « Je peux supporter tous les scandales pour ton amour... »

Tagore était un poète de la nature. Il a intensément ressenti l’influence de la nature sur l’Homme. Il a écrit 289 chants sur les saisons dans le style Prakriti (la nature). Après l’intense sécheresse de l’été survient la mousson, qui apporte la vie et la joie partout où elle passe. Puis vient la saison des moissons : c’est le temps de la fête et des célébrations. Quant à l’hiver, il est fort court et très agréable au Bengale. Et si le vent est froid, les champs n’en sont pas moins débordants de riz et de légumes. Partout s’épanouissent les fleurs. Et lorsque survient le printemps, la nature arbore ses couleurs les plus chatoyantes, qui inspirent la fête des couleurs (Holi). Le poète a également composé des chants patriotiques (Swadesh) qui ont été source d’inspiration des héros nationalistes à l’époque de la colonisation britannique. Il a tenté de renforcer les liens entre les deux Bengale lors de la partition du pays en 1947. « Si personne ne vient à toi, si les gens te ferment leur porte dans la nuit pluvieuse, si personne ne te parle par peur, n’allume pas de lampe sur ton chemin, allume ta flamme intérieure et marche tout seul... ». « J’aime mon pays, Bengale doré... » « Je suis fier d’être né ici, au Bengale... ».

Tagore a également composé de nombreux chants pour toutes les fêtes de la vie quotidienne. Que ce soit dans le style Anusthanik (rituel) ou Bitchitra (variété), son œuvre recouvre tous les évènements de la vie. Même si leur traduction ne permet pas d’en ressentir toutes les nuances, on ne peut qu’être touché par la générosité, le sens esthétique et la sensibilité de ce grand poète, qui était aussi un philosophe, un réformateur et un artiste. Il désirait que ses chants soient sur les lèvres de tous, riches ou pauvres, dans toutes les circonstances de la vie, pour toutes les fêtes. Mais il désirait qu’ils soient chantés dans le plus pur style Rabindrik. Pour écouter des chansons de Tagore

(Tagore) Rabindra Sangeet (Prem Porjai) par Bonna et Saadi

Pour ceux qui ne sont pas encore assomés, quelques extraits de mes poèmes préférés:

"Le jour n'est plus, l'ombre est sur la terre. Il est temps que j'aille au fleuve emplir ma cruche. L'air est impatient d'un murmure d'eau qui m'appelle. Là, dans le triste crépuscule, l'irai. Personne sur le sentier solitaire; le vent s'élève; un frisson rampe sur l'eau du fleuve. Je ne sais si je reviendrai. Je ne sais quelle rencontre fortuite...Là, près du gué, dans la petite barque, l'homme inconnu joue sur son luth".

"Je plonge aux profondeurs de l'océan des formes, dans l'espoir d'atteindre la perle parfaite et sans forme. Je ne navigue plus de havre en havre dans cette barque battue par la tempête. Les jours sont loins où je faisais mon jeu d'être secoué par les flots. Et maintenant j'aspire à mourir dans ce qui est sans mort. Dans la salle d'audience, près de l'abîme sans fond d'où émane une musique sans notes, je saisirai la harpe de ma vie. Je t'accorderai selon le mode de l'éternel, harpe! et quand aura vibré ton suprême sanglot, aux pieds du silencieux, je te reposerai silencieuse."

"Mon propre nom est une prison, où celui que j'enferme pleure. Sans cesse je m'occupe à en élever tout autour de moi la paroi; et, tandis que de jour en jour, cette paroi grandit vers le ciel, dans l'obscurité de son ombre je perds de vue mon être véritable. Je m'enorgueillis de cette haute paroi; par crainte du moindre trou, je la replâtre avec de la poudre et du sable; et pour tout le soin que je prends du nom, je perds de vue mon être véritable".

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Commentaires
M
je vais essayer de m'inscrire au yoga cette année (c'est bon pour les vertiges, j'espère...) le problème c'est quand trouver le temps? je positive, tu positives...;-)
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Y
et chercher cette clef soeurette zic , et j'en avais bien besoin , un vrai bonheur et apaisement , merci a toi de tout coeur ? tres douce journée , gros bisous . yepa
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M
en Inde ce recueil se nomme "Gitanjali".<br /> écoute celui-ci:<br /> "l'âme du poète danse et plane, sur les vagues de la vie parmi les voix des marées et des vents. Maintenant que le soleil s'est couché et que le ciel obscurci s'abaisse sur la mer comme de longs cils sur des yeux fatigués, c'est l'heure où le poète, posant sa plume, laisse ses pensées s'enfuir vers les insondables profondeurs du silence éternel et secret". ("La corbeille de fruits")<br /> c'est beau et apaisant de lire un poème comme çà. au moins une fois par jour, prendre un tout petit moment pour chercher la clé de la sérénité...
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Y
pour nous faire partager ces merveilles que tu connais , splendide poeme , une phrase que j'adore dans ce texte "Je plonge aux profondeurs de l'océan des formes, dans l'espoir d'atteindre la perle parfaite et sans forme." un grand merci a toi , bisous affectueux mon amie et tres douce journée . yepa (Et maintenant j'aspire à mourir dans ce qui est sans mort. Dans la salle d'audience, près de l'abîme sans fond d'où émane une musique sans notes, je saisirai la harpe de ma vie. Je t'accorderai selon le mode de l'éternel, harpe! et quand aura vibré ton suprême sanglot, aux pieds du silencieux, je te reposerai silencieuse.") tellement beau je l'apprend par coeur )
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M
je suis ravie de vous avoir donné envie de lire Tagore! moi je lis une page au hasard, c'est un peu la méditation du jour :-)<br /> je n'ai pas pu résister, Lucie...c'est tellement doux et berçant, inspiré.<br /> Kiki, j'suis trop fière, là. ce recueil contient "la corbeille de fruits" également, une merveille.<br /> les videos sont instructives, Bille, parce qu'elles montrent bien le lien entre les gitans du Rajasthan, les Bauls, le soufisme et l'Inde profonde. Chouette mélange dans ce pays où la femme a souvent un sort peu enviable.<br /> mme de K, les 5e travaillent cette année sur les musiciens itinérants (d'où les Bâuls)...<br /> et je trouve moi aussi que l'amour est une forme d'offrande...et de prière à certains moments. mécréante, je suis itou, hum hum...soyons folles.
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MADAME MUSIQUE
  • "Madame musique" est l'un des noms par lequel mes 6èmes m'identifient chaque début d'année. J'enseigne au Collège-internat Thomas Mann à Paris 13. Vous trouverez ici de nombreuses séquences et outils à utiliser en classe inversée...ou pas.
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